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SANS DOMICILE FIXE (classe)

Joe

Intentions d’apprentissage

Les extraits d’œuvres proposés mettent l’élève en contact avec l’imaginaire de l’artiste, dont le langage chorégraphique repose en premier lieu sur l’exploitation des données plastiques de l’espace. La découverte de ces dimensions l’amène à considérer d’autres facteurs dans la composition d’une œuvre et à développer une sensibilité esthétique à l’égard de ceux-ci. 

Tirant parti de l’identification des manières propres à Perreault de construire l’espace, d’y inscrire les mouvements des danseurs et de composer avec les matériaux chorégraphiques, l’élève alimente son imaginaire et élargit son bagage chorégraphique, qu’il pourra ensuite réinvestir dans une création. 


Indépendantes et complémentaires, les fiches ci-dessous peuvent être traitées soit dans leur intégralité, soit en fonction des besoins pédagogiques.

Axes d’appréciation

Aspects liés à la création

  • Éléments du langage:
    • Espace : orientations – directions – zones d’action
    • Relations entre les partenaires : emplacements – types de formation
    • Éléments de l’environnement scénique
  • Procédés de composition
  • Éléments de structure : relation à l’espace – types de formation

Aspects liés à l’interprétation

  • Aspects associés à l’expression artistique

Aspects liés aux repères culturels

  • Éléments de l’histoire de la danse

Dimension symbolique

  • Petitesse – immensité – anonymat – fragilité – solitude – intimité
  • 1

    Regarder

    Regarder

    Extrait de Joe (1989)


    Dans un premier temps, invitez les élèves à s’imprégner de ce qu’ils voient, entendent, ressentent : images, mots, pensées, associations d’idées peuvent émerger. Ils peuvent inscrire toutes ces impressions et idées sur une feuille de papier après l’observation, ou encore les partager oralement avec un autre élève.

    Puis, laissez temporairement de côté les écrits, il leur sera possible d’y revenir ultérieurement pour comparer les premières impressions avec une analyse plus poussée.


  • 2

    Re-regarder

    Re-regarder

    Extrait de Joe (1989)


    Questions pour orienter le regard

    Une deuxième observation approfondie par des questions-guides permettra d’aller plus loin dans l’appréciation du travail chorégraphique de Jean-Pierre Perreault.

    • Quels sont les mots/termes qui qualifieraient le mieux les actions et les mouvements des interprètes ?
    • Après avoir fait l’inventaire des actions exécutées par les danseurs, commenter les défis d’interprétation que celles-ci présentent.
    • Quelles sont les principales qualités de mouvement que l’on reconnaît dans l’interprétation ?
    • Y a-t-il un type d’énergie davantage présent et caractéristique de ces mouvements ?
    • Quels sont les effets produits par cette structure construite autour du groupe et de l’individu ?
    • Dirait-on que Jean-Pierre Perreault a réussi à toucher le spectateur ? Si oui, comment sommes-nous touchés ? Comment y est-il arrivé ?


  • 3

    Individu ou masse

    Questions pour orienter le regard

    • Les vingt-quatre danseurs forment divers types de configuration durant ces cinq minutes ; peut-on les nommer ?
    • Chaque forme de groupe permet d’occuper l’espace différemment ; comment ces formes sculptent-elles l’espace ?
    • Quels déplacements sont majoritairement privilégiés ici ? Où vont les danseurs ? Dans quelles directions ? Ces directions sont-elles opposées ? Identiques ?

    Où vont-ils ? D’où viennent-ils ceux-là qui courent, traversent, vont vers, s’arrêtent, passent, devant, à côté, tout près, loin, dessus, derrière, disparaissent et laissent flotter leur parfum derrière eux ? – Michèle Febvre

    • À certains moments, le groupe ouvre l’espace, permet à quelques individus d’en sortir, de se détacher de la masse. Faites repérer un moment par les élèves et demandez-leur de le décrire.
    • Comment interpréter cet écart ?
    • Les danseurs semblent-ils en harmonie ou en opposition ? Les élèves peuvent-ils expliquer leur impression ? Quels choix gestuels, rythmiques ou de composition appuient cette idée (soutien du rythme – retour au groupe – organisation du groupe – etc.) ?

      En studio…

  • 4

    Partition sonore

    Questions pour orienter le regard

    • La partition sonore ou l’environnement sonore est créé par un ensemble d’éléments. Qu’est-ce qui produit cette trame sonore (par exemple, le groupe, les éléments scénographiques, la pente glissante) ?
    • Quelles sont ces variantes dans les sonorités ?
    • Ces rythmes et sonorités peuvent-ils être porteurs de sentiments, d’états ? Quels seraient ces sentiments (agressivité – inquiétude – angoisse – tendresse – etc.) ?

      En contact serré et soutenu avec le sol, les pas, les pieds nous font entendre un acharnement infatigable tout autant que monotone. L’obsession résonne entre et à travers ces pas. – Thérèse St-Gelais

    • Quels rôles jouent le rythme et le son dans cet extrait ? Quels effets produisent-ils ? Contribuent-ils à une tension dramatique ?
    • Y a-t-il d’autres dimensions de la danse qui apportent cette tension (type de mouvements – unisson – répétition – rythme) ?
    • Demandez aux élèves de nommer les procédés de composition utilisés dans cet extrait.
    • Quels aspects semblent les plus réussis dans cette composition chorégraphique de Joe ?

  • 5

    Costume

    Costume

    Photo : Ginelle Chagnon, 2011


    Questions pour orienter le regard

    L’habillement est un puissant marqueur de la personnalité, il contribue chez plusieurs à l’affirmer ou chez certains à l’occulter, le costume ou l’uniforme en sont de bons exemples. Il se fait aussi langage pour signifier une originalité ou simplement pour communiquer. Porter tel vêtement peut permettre l’intégration à un groupe, et de s’en réclamer.

    • Demandez aux élèves de décrire les vêtements que portent ces JOE. Sont-ils vraiment identiques ? Peut-on remarquer quelques différences ?
    • Lesquelles ? Ont-elles une signification ?
    • Que laissent voir ou que cachent ces costumes ?
    • Sont-ils des costumes habituels de scène ? À quelles images ou idées renvoient ces costumes ?


    Ici, JOE est un, JOE est tous. À quel groupe pourrait appartenir JOE ? Que cherche t-il ? Pourquoi Jean-Pierre Perreault lui a-t-il donné cette identité ?

    Invitez chaque élève à se questionner sur ses groupes d’appartenance.
    Comment s’identifie-t-il à ses groupes d’appartenance ? Quels signes visibles ou invisibles caractérisent son groupe d’appartenance ?


  • 6

    Rédiger une critique

    Voici quelques pistes pour aider les élèves à rédiger une appréciation critique en danse en cinq étapes. Les consignes sont formulées de manière large de façon à pouvoir être appliquées aux autres expériences d’appréciation proposées dans ce parcours. 

    1.Titre
    Afin de trouver un titre qui interpellera le lecteur, il est préférable de rédiger au préalable son texte, ce qui permet d’avoir une meilleure idée de ce que l’on veut mettre en valeur dans ces quelques mots accrocheurs qui constituent le titre.

    2.Mise en contexte
    Pour la mise en contexte, les élèves peuvent répondre aux quatre questions suivantes (l’ordre est variable) : Qui ? Quand ? Quoi ? Où ? 

    Qui ? Jean-Pierre Perreault, nombre et noms des autres danseurs 
    Quand ? Année et contexte de création de l’œuvre
    Quoi ? Quel type d’œuvre (voir Joe) ?
    Où ?

    3.Description
    Il s’agit ici de décrire la danse ou de faire l’inventaire de ce qui a été observé, en rappelant les caractéristiques principales et les éléments clés : le nombre de danseurs, les décors, la qualité des mouvements, etc. ; ainsi que le recours aux éléments du langage de la danse (corps – temps – espace – énergie – relations entre partenaires – environnement scénique et structure de la danse), ce qui en permettra une description plus diversifiée.


    4.Analyse et interprétation
    À cette étape, les élèves donnent leur propre interprétation de l’œuvre. Cette partie de la critique est très personnelle. Ce que chacun retient peut être très différent d’une personne à l’autre. Chaque élève développe son opinion selon sa sensibilité.

    L’élève peut mettre en relief les manières dont le chorégraphe a enchaîné et arrangé les mouvements, le son, les costumes, ou encore expliquer comment il a dirigé les interprètes, orchestré les éléments scéniques (accessoires, décors) afin d’obtenir certains effets. La suggestion des raisons pour lesquelles l’artiste a choisi tel contenu, tel élément clé ou telle organisation de l’espace permet d’approfondir l’interprétation.

    5.Évaluation
    Cette dernière partie peut être considérée comme une récapitulation. Elle permet de donner forme à son opinion quant à la valeur de la danse, et ce, en tenant compte des informations recueillies et des interprétations élaborées tout au long des étapes précédentes.


    Ressources complémentaires
    Écrire sur la danse
    Glossaire

  • 7

    Ce qu’ils en ont dit…

    Ce qu’ils en ont dit…


    L’enseignant utilise à sa guise ces extraits de texte sur l’œuvre Joe qui peuvent apporter des informations supplémentaires, venir appuyer la mise en valeur d’une qualité de l’œuvre ou créer des résonances avec des observations relevées par les élèves. 

    Les élèves sont-ils d’accord avec ces interprétations ? Rejoignent-elles leurs propres lectures de l’œuvre ? 

    Notez qu’il est préférable de les mettre à la disposition de l’élève après avoir fait progresser la démarche d’appréciation.

    Aline Gélinas, (1956-2001) journaliste et critique :
    « Joe fut créé en 1983 avec un groupe d’étudiantes du Département de danse de l’Université du Québec à Montréal, à la salle Marie-Gérin-Lajoie. Ce fut un véritable choc pour les spectateurs et les spectatrices du milieu étudiant, choc renouvelé lors des reprises, avec des danseurs professionnels, en 1984 au même endroit, puis en 1989 au théâtre Maisonneuve de la Place des Arts : au-delà de son invention formelle, l’évènement évoquait la condition humaine avec une acuité entière. Les interprètes, le corps dissimulé par un pardessus flottant, un chapeau calé jusqu’aux yeux, de lourdes bottes aux pieds, rivalisaient d’anonymat pour mieux dire de quelle étoffe est faite la race des hommes, et ce qui la contraint. » Jean-Pierre Perreault, chorégraphe, Montréal, Les Herbes Rouges, 1991, p. 11

    Jean Gervais, concepteur d’éclairage et fidèle collaborateur de Jean-Pierre Perreault :
    « C’est avec Joe qu’il y a eu véritable contact. Je me suis rendu compte que pour Jean-Pierre, l’éclairage c’est la lumière et l’ombre. Peut-être à cause de son instinct pictural, ses personnages ont toujours des zones d’ombre ; ils ne sont pas transparents. La lumière ne peut les révéler entièrement : ils demeurent mystérieux. […] Avec Joe est donc né entre nous ce principe, non formulé mais inscrit profondément en nous, que ce n’est pas parce qu’on montre tout que le spectateur va tout voir, comment il doit le voir et même, établir une hiérarchie en attirant plus son attention vers ceci ou cela. » Jean-Pierre Perreault, chorégraphe, Montréal, Les Herbes Rouges, 1991, p. 46

    Josette Féral, professeure à l’École supérieure de théâtre/UQAM, dit que JOE est : « le clone de nos individualités noyées dans la masse, de nos errances urbaines, de nos affirmations de soi avortées, mais aussi de notre fascination pour le groupe, et notre désir pourtant profond et toujours inutile d’échapper à la foule, une foule qui finit toujours par imposer ses lois, son rythme, sa temporalité, sa surdité, des mécanismes. » Jean-Pierre Perreault, chorégraphe, Montréal, Les Herbes Rouges, 1991, p. 81-82

    Sylviane Martineau, interprète pour de nombreuses œuvres de Jean-Pierre Perreault, dont Joe, parle ainsi de ses œuvres : « Le malhabile, le boiteux côtoient allègrement l’aisance et le contrôle. La prouesse technique se camoufle derrière le geste. Se succèdent des enchaînements quasi impossibles à réaliser et de simples marches, des silences immobiles et des attitudes quotidiennes. » Jean-Pierre Perreault, chorégraphe, Montréal, Les Herbes Rouges, 1991, p. 39-40